Depuis sa création en 2001, Sitaudis, plutôt que de privilégier l’analyse objective des livres et des oeuvres, ou bien de réfléchir à l’ensemble d’un champ littéraire, entre autres le champ contemporain et la diversité de ses démarches, a préféré, et ceci avec une certaine forme de pertinence — me semble-t-il — s’attacher à des notules plutôt affectives, trempées dans l’acide parfois, et défendre seulement une partie des écritures contemporaines, bien souvent reliées à la descendance de TXT, que cela soit pour l’ancienne ou la nouvelle génération d’écrivains ou poètes. Si j’ai toujours respecté les choix de Pierre Le Pillouër, il me semble pourtant, que depuis quelques temps, une forme de dérive réactionnaire apparaît dans ses notes et celles de certains de ses compères. Être réactionnaire, il n’y a là rien de grave en soi, car telle est la mode actuellement en France, toutefois, j’ai décidé de réagir à quelques uns de ses traits. Une stratégie web fondée sur l’affect : Sitaudis tient tout d’abord sa réputation d’une stratégie web, fondée sur une logique machiavelique intéressante. Plutôt que de parier sur un travail objectif d’analyse, approfondi, voire parfois sans doute rébarbatif comme cela peut l’être sur libr-critique.com, il lance un site reposant sur une logique schmittienne [division des amis et des ennemis], sachant parfaitement que pour une grande partie des lecteurs potentiels une telle distinction titillera le système affectif, appellera réaction passionnée, permettra dès lors la diffusion rapide de son acte de naissance. Ce qui fut le cas, étant moi-même averti à l’époque par Charles Pennequin de l’existence de ce site, du fait de la mise au ban de Christophe Tarkos. Stratégie intelligente pour celui qui vise à obtenir une large audience, non pour celui qui souhaiterait s’adresser à la raison plutôt qu’au sang et aux nerfs. L’audience, il l’a conquise sans aucun doute, devenant depuis 2001, l’un des sites principaux pour la poésie contemporaine. Principaux, non pas au sens de sa qualité éditoriale, mais en terme de rumeurs, de disputes, de curiosité mêlée de plaisir vis-à-vis des piques fréquentes. Cependant quand on analyse la manière dont se stratifient les textes, les références, si on ne peut accuser Pierre Le Pillouër d’éclectisme, quoi que, il a créé surtout un front de défense issu des anciennes avant-gardes TXT. Chose étonnante de même, alors qu’il se targue de lutter contre une certaine forme de complaisance néo-libérale et populaire, cette stratégie de l’affect est la même que celle qui structure les lois médiatiques de l’audience. Une stratégie de l’autorité : Sitaudis pourtant est paradoxale. N’ayant que peu d’articles de recherche, ou bien de notes de lecture approfondies, hormis celles de nouveaux participants, comme j’ai pu en faire partie à une époque, se constituant sur des notes plutôt d’opinion, sitaudis revendique une vérité, voire même la vérité quant à la littérature contemporaine. Début septembre, par exemple, dans la fenêtre de présentation du site, il marque que le seul livre qui vaille la peine en cette rentrée n’est autre que Holocauste de Charles Reznikoff. Je ne nierai pas la qualité de ce titre, toutefois, comme à son habitude, par un trait aussi opiniâtre que prétentieux (toujours prompt à user des superlatifs), Pierre Le Pillouër jette aux oubliettes tout autre livre. Cette stratégie, facilement compréhensible en ses mécanismes, est celle avant tout du partisan. Il se dit non éclectique, mais en fait il confond défendre un territoire littéraire relatif et affectif et réfléchir à l’hétérogénéité constitutive d’un champ littéraire comme Fabrice Thumerel et moi-même tentons de le faire depuis pratiquement deux ans. L’autorité qu’il pose, est celle de la conquête et de l’élimination, est celle qui refuse l’intrus, au motif que cela ne correspond pas à ses goûts. Quand dans sa présentation actuelle : il écrit qu’il défend « ce qui est complexe, difficile, obscur, tranchant, dur, pénible, négatif, noir, étranger, irrégulier, rejeté et refoulé, théorisé, indicible, fragile, illisible » — se référant implicitement à Christian Prigent — cette définition n’enveloppe pas objectivement un champ littéraire, mais englobe seulement ce que lui affectivement appelle comme tel. Reçoit-il vraiment tout ce qui se fait ? S’intéresse-t-il par exemple, entre autres, à François Richard, qui a une langue vraiment obscure, intrigante et poétique ? Non… Car telle n’est pas sa démarche. Une stratégie du rejet : J’en viens alors aux dernières notes : sur Ouste n°15, sur Charles Pennequin visant conjointement Sylvain Courtoux, et celle de Jacques Demarcq portant sur la performance. Avec ces trois notes, seulement ces trois notes, très peu argumentées, on ne compte plus les auteurs récriminés, attaqués, rejetés. Par rapport à Ouste : il écrit : « on se demande à quoi bon publier un énième texte de Jean-Luc Parant, Cadiot, Blaine et Veinstein ». Mais alors posons la question : pourquoi encore publier tous les auteurs qui ont déjà tant publié (Chopin, Prigent, Demarcq, Verheggen, et tant d’autres). Pourquoi d’ailleurs ne font-il pas tous comme Denis Roche : passer à autre chose ???? Cette réflexion de Le Pillouër tend à la bêtise, tellement elle ne signifie rien, tellement elle ne fonde qu’un jugement affectif. Puis vient ensuite, sa véritable attaque, car cette première pique n’était que le hors d’oeuvre, la préparation : il dit (et non pas explique) qu’avec le Festival expoésie : « la poésie expée confinée dans son espace pour espèce menacée ». On voit là deux critiques à faire par rapport à ce qu’il énonce : 1/ croit-il que ce qui fait la vie de la poésie ce ne sont que les grands festivals, visibles au niveau national ? Croit-il que les petits festivals, les lectures régionales ou locales, la multiplicité des initiatives invisibles, ne sont pas importantes pour la vie de la poésie en France ? 2/ L’attaque typiquement réactionnaire, que l’on va retrouver chez Demarcq, de la poésie expérimentale, et de la performance. Croit-il qu’elle est autiste ? Croit-il qu’elle a en a fini ? Est-ce que toute poésie n’est pas ex-peras, en-dehors des limites que l’on voudrait bien lui assigner ? Jugement à l’emporte pièce. Par moment, il devrait davantage réfléchir aux présupposés...
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